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« Écrire la guerre civile » : la littérature du XIXe siècle à l’aune de l’histoire »
La Révolution française constitue une rupture qui marque durablement les consciences, à tel point que la littérature du XIXe siècle ne cesse d’interroger l’histoire à la lumière de cet événement climatérique. À 1789 succèdent plusieurs années de guerres civiles, sujet sans cesse mis en fiction. La guerre civile se commue ainsi en une angoisse collective, une menace, à l’heure où se fabriquent des fédéralismes et des nations, mais aussi où s’effondrent des empires. Elle ressurgit à la faveur de crises politiques et sociales qui divisent un pays (en France : 1793, 1830-1832, 1848, la Commune, l’Affaire Dreyfus, etc.). L’Europe du XIXe siècle est donc hantée par la rémanence ou le surgissement de tels événements, inquiétude qui se cristallise autour de quelques idées matricielles : conscience nationale, fragilité des institutions, assassinat politique et menace sur l’ordre établi. Au lendemain de la Révolution, la conscience du bouleversement historique invite les écrivains à revoir leur manière de représenter le passé en fonction du présent. La célèbre formule de Chateaubriand, « J’écrivais l’histoire ancienne et l’histoire moderne frappait à ma porte » illustre la nécessité de reconstruire le paradigme présent/passé grâce à la littérature. Penser le présent au prisme de conflits civils anciens est l’un des enjeux idéologiques majeurs de tout le XIXe siècle. Que les Guerres de religion occupent une place de premier plan dans la littérature du XIXe siècle n’a donc rien de surprenant. Souvent conformes à l’interprétation qu’en donnent les historiens romantiques, les fictions négligent les questions proprement théologiques et mettent en relief les clivages politiques. Elles mettent l’accent sur les motivations politiques, les ambitions personnelles d’individus à la tête des grandes familles (Guise, Montmorency, Navarre, etc.). Ainsi, la dimension polémique des Huguenots de Meyerbeer ou de La Reine Margot de Dumas découle moins des conflits religieux et spirituels que des antagonismes claniques que ces oeuvres représentent. La mise en fiction des Guerres de religion, de la Fronde ou de la Terreur dévoile aussi le rôle de catalyseur que s’arroge la fiction dans la compréhension du présent. Comment la littérature se fait-elle tribune de la vie publique en décrivant et commentant les guerres civiles du passé ? Dans quelle mesure l’expérience proche de la Guerre civile (la Terreur) fait-elle naître de nouvelles émotions collectives, structurées autour d’un traumatisme national ? À quelles nécessités politiques et morales répond la mise en fiction des guerres civiles ? Comment les différents médias construisent-ils un discours sur les guerres civiles ? Telles sont les questions qui seront abordées dans le cadre du séminaire.« Écrire la guerre civile » : la littérature du XIXe siècle à l’aune de l’histoire »
Bibliographie
Alexandre Dumas, La Reine Margot, éd. Jacques Bony, Paris, GF-Flammarion, 2013. Victor Hugo, Quatrevingt treize, éd. Judith Wulf, Paris, GF-Flammarion, 2014.
Alfred de Vigny, La Maréchale d’Ancre, éd. Sylvain Ledda, Paris, Classiques Garnier, 2018.
Meyerbeer, Scribe et Halévy, Les Huguenots [opéra représenté à Paris en 1835], texte en ligne. https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k272447.image